Jimmie Durham. Pierres Rejetées...

Publié le par ect-art

Du 30 janvier au 12 avril 2009, nous avons eu le grand plaisir de visiter l’exposition de Jimmie Durham au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Elle retrace son parcours depuis son installation en Europe en 1994, à travers une soixantaine de travaux dont certains inédits.

                                    


Né en 1940 dans l’Arkansas, il est d’origine Cherokee et s’affirme, dans les années 70 et 80, comme militant historique pour la cause indienne et les droits civiques. Son travail artistique relève alors d’une recherche identitaire, portée par une critique de l’impérialisme et de la ségrégation.

Son Oeuvre est riche et variée, alliant sculpture, installation, peinture, dessin, performance, vidéo et photographie, elle est protéiforme et résulte souvent d’un processus d’assemblage et de juxtaposition de matières brutes ou d’objets trouvés. Il fait donc appel au « ready-made assisté » pour créer des œuvres à partir de matériaux organiques ou manufacturés, de vestiges ou de rebuts.

 

Le titre de l’exposition est tiré de l’expression « pierres rejetées par les bâtisseurs » (issu du psaume 118-22 de la Bible). Cette citation choisie par l’artiste désigne le système hiérarchique de l’Etat qu’il rejette, où l’architecte détient le pouvoir de construire ou détruire la Ville en régissant ainsi la vie des citoyens. Les pierres, ou plutôt les rochers de par leur taille, apparaissent de façon récurrente dans sa pratique, comme une métaphore de sa contestation. Son principe est de jeter des énormes pierres sur des objets manufacturés, ainsi le naturel écrase l’industriel, la nature prend le dessus sous la performance de l’artiste.

 

Et voilà la pierre rejetée sur l'avion dans le hall du Musée d’Art Moderne, cette œuvre est impressionnante, à la fois violente, ahurissante, décalée et humoristique, elle sublime le lieu qui se retrouve complètement perturbé.

                                       
  


Sensible au langage et à l’écriture, l’artiste intègre dans ses travaux des mots de différentes langues, à la fois simples, forts et sensibles apportant une dimension évocatrice et narrative. Je me suis sentie concernée, car Jimmie Durham s’adresse directement au spectateur, en lui communiquant un message universel de paix et d’amour en dénonçant la perversion du système dans lequel nous vivons. Ses mots superposés sur des objets parlants d’eux-mêmes sont comme un cartouche explicatif et descriptif venant souligner et accentuer sa révolte et son appel au secours ! Ses mots sont le témoignage d’une sombre réalité qu’il aimerait voir changer.


They Almost Fit
, 2006, objets sur planche de bois, est une œuvre qui me parle particulièrement :


                                     
 

En tant que mosaïste je fût interpelée par cette œuvre qui est une accumulation de fragments de marbre, de granit, de carrelage industriel et autres, comme un assemblage de tesselles composant une mosaïque contemporaine ou encore comme un panneau exposant des échantillons de matériaux dans un magasin de revêtements.


A la fin de l’exposition de Jimmie Durham j’ai visionné son film intitulé :

The Pursuit of Happiness, 2003, 12 minutes, film still.


                                    
 

 The Pursuit of Happiness raconte l’histoire d’une œuvre d’un artiste américain d’origine indienne. Ce dernier, semble être vagabond, un habitant du monde, qui le temps de la création de son œuvre loge dans une caravane perdue sur le bord d’une route. Caravane, symbole du nomadisme. On le voit errer dans la nature en quête d’objets jetés. Il ramasse ces débris polluants qu’il ramène dans son abri de fortune où il les assemble en tableau tels des mosaïques d’objets abandonnés auxquels il donne une nouvelle vie. Je considère ces œuvres comme des symboles de la société de consommation dont la devise est « j’achète, je jette ! » et aussi comme mosaïque de fragments du parcours de l’artiste à travers un environnement naturel et pollué par l’Homme. Ensuite on voit l’artiste à l’exposition de ses œuvres, en présence d’un marchand d’art qui lui remet une poignée de billets. A ce moment je pressens une critique de l’artiste sur le marché de l’art et la société en général, où tout se négocie moyennant finance. Ou encore, une façon de dire : « voilà comment faire de l’argent en récupérant les déchets ! ». Ainsi, avec humour, il tourne en dérision ces œuvres d’art pour ironiser le marché et ces acteurs. La dernière scène du film montre l’artiste qui brule sa caravane, laissant derrière lui un amas de cendre. L’impression rendue est celle d’un homme qui redémarre sans cesse à zéro, d’un homme qui n’a pas d’attache et qui ne veut surtout pas subir la société matérialiste omniprésente. Il remet alors en question la notion de propriété privée et d’appartenance sociale. Et il fait écho au nomadisme qui était le mode de vie des indiens d’Amérique. Cette marginalité présentée par Jimmie Durham est une nouvelle critique du système capitaliste. Cependant cette vidéo présente un paradoxe entre l’artiste marginal et l’artiste qui accepte l’argent du marchand d’art. Opposition entre volonté de ne pas faire partie du système et nécessité de gagner sa vie pour continuer sa route de façon libre.

                                                                                                                           Aude
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